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Cajta de cartón
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Une frontière traverse le lieu. Se distingue parfois la borne qui marque sa limite. Au bout d'une trouée une source d'azote liquide, prise dans son propre givre et dont les gouttes gelées, violentes, ont éclaté le sol en une longue fissure qu'on hésite à franchir.

 

 

En des âges perdus me

soutenaient une main chaude et une main de givre.

 

À présent je

démêle leurs doigts crispés

tenue au

bord sur la ligne poreuse qui si mal me

sépare du froid.

 

 

 

On enfile des linges épais, on s'emmaillote pour passer. L'air congelé est irreconnaissable ; il durcit mains, yeux, trachée ; dresse partout des murs de givre.

 

S'avance une femme aux gestes cassants, aux paroles gelées au bord des lèvres. C'est la gardienne des glaces qui veille.

 

 

Rien ne me

garde du froid qui me

balafre me travaille depuis

avant les souvenirs

que moi-même.

 

Veilleuse même

prise dans le pergélisol

rouée dans l'étau de l'air glacé

cherchant du gel le pouvoir de brûlure.

 

 

Elle aussi a charge du temps.

 

Dans ses mains gantées elle tourne des glaces sibériennes, polaires ou patagonnes, taillées comme des lances.

 

Transparentes dans la transparence, les bulles d'air incluses dans la glace exhalent, pour elle, l'âge des glaciers.

 

 

À mains nues je

caresse le givre

venu de loin ou du plus

près de moi

né avec le glacier où sont

prises quelques gorgées d'air.

 

À chaque passage il fond

un peu

coule en larmes

translucides

déprenant mon passé

me l'apprenant.

Extrait de Téphra, éd. Al Manar, 2019.

SIX POÈMES DE

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