
ESSEX
RODRIGO LANDAU
Recréation d’une
atmosphère
marine étoiles
ancres gouvernails
rames cartes postales
d’une côte
lumineuse
dans un coin
à l’intérieur d’une
salle à manger
qui masque
un autre espace
où se trouve
la cuisine
L’eau et l’huile
se rejoignent en l'air
réunissant les arômes
et notre regard
en un point indéfinissable
– entre la télévision et la femme
mince, pâle, qui nous sert
Mon ami prend le coquillage
qui orne la table et le met
contre son oreille, dit
qu’il écoute le vent
la houle, isolés
sur un côté de sa tête
Temps de grâce, jeu
acoustique qui
complète
le simulacre dans
l'attente
lui d'un steak, moi
d'un bouillon, sans arrêter
de penser à
la grande baleine
la pêche miraculeuse
sous le plafond qui accumule
voix et vapeurs
fumée, cendres
dans le coquillage
Que faire, mon frère
après s'être penché
aux balcons d’une
conclusion
versée
aux étages inférieurs,
puis être de retour au même point,
face au lierre ?
Provoquer un accouchement en triant
les dossiers d’une biographie
en cours ?
en haute mer
Il y avait un marin
dont la mémoire
le sel assécha
les cheveux,
fins fils emportés
par le vent, mue
du naufragé
dans l’immensité
de son errance
devrions-nous parler
d’un animal désespéré ?
Notre projet :
aller voir une exposition
sur le naufrage de l’Essex.
Parcourir les salles pour s’en inspirer
comme si c’étaient les berges d’une île,
regardant ce qu'il manque de terre
– J’espère perdre la mémoire
pour que tout devienne intuition.
Traduction de Mathilde Nabias.

Rodrigo Landau (Santiago, Chili, 1976) a étudié la philosophie à l'Université Australe du Chili (Valdivia). Il a publié, en poésie : Guayaquil et Colección en 2008, Designos (2013) et Patio interior (2020). Il a coordonné les rencontres de poésie « Obra Viva: nueva poesía en Valdivia. 98-08 » (2012) et « Residencia temporal: seis poetas chilenos en México » (2016). Il vit dans la ville d'Oaxaca, au Mexique, où il encadre des ateliers littéraires et participe aux éditions « Luz & Sonido »

Mathilde Nabias. Écrivaine, chercheuse et boulangère. Elle vit à Ménilmontant, mais dès qu’elle le peut s’échappe dans les Cévennes pour écrire. Elle trouve son inspiration dans les espaces en friche, et cherche inlassablement les lieux de résistance à l’uniformisation des imaginaires.
