
UN POÈME DE
Traduction de
Ça fait un mois
que je suis à la capitale
papi nous a abandonnés
et la faim chez nous faisait mal,
j’ai trouvé du travail dans une maison
(la dame appelle ça « domestique »)
mais je comprends pas bien ce que c’est
ils m’ont donné un déguisement en tissu
ce jour-là j’ai pleuré, beaucoup pleuré
j’avais trop honte de le porter
et de montrer mes jambes
la dame dit que les gens de mon village
sont tous dégueus
alors je me lave tous les jours
ma chevelure, ils l'ont coupée
à cause des poux, a dit la dame
je parle pas trop bien l'espagnol
et les gens, ils se moquent de moi
mon cœur est triste
hier je suis allée voir ma cousine
bien contente d'avoir mis ma robe
le chauffeur ne voulait pas s’arrêter
et quand j'allais descendre
il a vite démarré en me disant :
« grouille-toi, Indienne débile »
je suis tombée et me suis écorché le genou
les gens étaient tous morts de rire
et mon cœur s’est empli de tristesse
ma cousine dit
que je vais peu à peu m’habituer
que le dimanche on va au parc central
et qu’il y a des salles où danser
avec les groupes venus à la feria
depuis tout là-bas, mon village,
je suis dans ma chambre minuscule
en train de compter l’argent qu’ils me donnent
moins le savon et les deux verres que j’ai cassés
la dame dit que je suis une incapable
je comprends pas pourquoi ils me traitent mal
je suis pas une personne pour eux, c'est ça ?