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Cajta de cartón
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UN POÈME DE 

Traduction de 

Face à vous, nous nous tenons

 

Les rejetons

illégitimes de la modernité

nous autres.

 

Les fantômes de pays saignés à blanc

jour à jour enfantés à la mauvaise étoile

nous autres.

 

Ceux à qui on a fait les poches

Ceux qui n'ont jamais eu que leurs seuls ongles

Ceux dont l'espérance a été empoisonnée

nous autres.

 

Les rebuts et les misérables                                                nous autres.

 

Nous autres                     les éternels concierges

du premier monde

accoutumés au temps partiel

ou bien carrément au chômage

qui nous fardons la queue pour le welfare

tandis que les yeux des puissants

nous reprochent l'existence

derrière la vitre.

 

Les hors-la-loi                      nous autres

les toxicos et drug dealers

nous autres.

 

Ceux qui ouvertement provoquent

ceux qui ne baissent pas la tête

ceux dont la langue est sale

soûlards de très mauvaise réputation

patibulaires

sans un centime en poche                         nous autres.

 

Ceux qui en crèvent, de rejoindre le nord

de faim                           de soif                         ou sous les coups

les balles                        ou bien noyés              dans la fatigue

nous autres.

 

Ceux qui n'ont pas de mère

n'ont pas de père                 ni de patrie

ni même un domicile                            ou juste une chaise pour s'asseoir

ceux qui sont debout pour l'éternité

nous autres.

 

The little bastards

qui détruisent tout                           nous autres.

 

Ceux qui sont expulsés de toute chose                      nous autres.

 

Ceux qui n'ont aucun droit

Ceux qui sont sans famille

Ceux qui n'ont pas de tombe

Et nous sommes des cadavres vivants

nous autres.

 

Ceux qui gardent à leur cul la marque

de la botte militaire                                  locale et étrangère

incessamment qui répétait :

va fils de pute va fils              de pute

va crever fils de pute.

 

Et maintenant que tout s'effondre à la racine

ils nous veulent moines dominicains

sœurs d'une charité que nous n'avons jamais connue.

 

Nous autres             mal perçus

par les bonnes gens

nous autres proies qu'on voue au sacrifice

nous, les boucs émissaires                         nous autres.

 

Nous les faibles                     et les rachitiques,

nous dont la présence incommode

 

nous qui ne sommes jamais les invités

du grand opening de l'humanité

qui toujours restons aux portes du banquet

dévorons des yeux sans rien acheter

et tournons en rond dans les centres commerciaux

incessants comme des papillons de nuit

 

Nous, les plus insolentes                                canailles

nous, les réfugiés permanents

à qui l'on ne fait pas confiance

que l'on estime capables de rien

car trop coupables de leur couleur

car trop coupables de leur accent

nous autres

nous autres

nous autres

nous autres

nous autres

mille fois nous autres

 

Face à vous, nous nous tenons                                nous autres.

 

Rejetons fugitifs de notre temps

enfantés et nourris au sein

de la corruption politique et des plus-values rayonnantes

 

Nous autres

qui ne nous en tenons pas aux frontières

qui recherchons l’Eldorado toujours

Indiana Jones à la boussole défectueuse

indiquant sans hésitation la direction du nord.

 

Ceux qui baissent leur froc

Nous autres.

 

Disons-le à pleine voix :

nous avons l'âme violée par le vingtième siècle

et tous les siècles antérieurs

pouvant s'énumérer de un à cinq

 

Nous expions une faute que nous n'avons jamais commise

sous-développement spirituel terrible du premier monde.

 

Nous sommes de cette usine mondialisée

le surplus inutilisable.

Les morts de faim                                                   toujours

ceux qui remplissent les prisons

et les premières pages des journaux.

 

Nous fûmes tout d'abord la victime                                    l'assassin par la suite.

Nous sommes un souffle qui à peine se lève

et veut chanter une belle chanson inconnue.

/ Nous sommes aujourd'hui l'excrément

demain nous serons commencement

lune nouvelle                        soleil de l'aube

un point lumineux

une espérance valable

une paix qui ne soit mensonge.

 

Le jour nous touche au cœur                               soudain

 

tout s'illumine.

 

Poème tiré du recueil « Todos los silencios » (« Tous les silences ») paru aux éd.      guatémaltèques Cultura en 2002.

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